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Green marketing, limites d’un levier

de consommation socialement responsable

 

Le green marketing n’est pas encore parvenu à généraliser une consommation socialement responsable. L’adoption de comportements d’achats plus écologiques se heurte à de nombreux obstacles qu’ils soient de nature matérielle (pas d’offres généralisées), financière (coûts plus élevés des produits) ou psychologique. Le citoyen a tendance à se demander pourquoi serait-ce à lui de réaliser des efforts pour sauver la planète, alors qu’il est incertain de l’impact global de ses actes et des bénéfices pour sa santé. Selon Paul-Valentin Ngobo, agrégé en Sciences de Gestion, Professeur à l’Université de Paris-Dauphine, faire du « marketing écologique Â», c’est Â« satisfaire les besoins présents sans compromettre l’aptitude des générations futures à satisfaire leurs propres besoins Â»[1]. Mais s’en tenir à cette définition, aussi vaste et floue que la notion de développement durable, ne suffit pas pour changer durablement les comportements d’achat et s’y retrouver dans l’offre de produits.

 

Le consom’acteur « prend en compte les conséquences publiques de sa consommation privée ou (…) essaie d’utiliser son pouvoir d’achat pour apporter des changements sociaux Â» (Webster, 1975)[2]. Alors comment augmenter le nombre de ces « proactifs du caddy Â» ? Comment influencer les comportements des consommateurs Â« traditionnels Â» ? Pour Ghislain Bourg, docteur en psychologie, consultant dans le cabinet de conseil Auxilia, du groupe SOS, l’une des solutions est de puiser dans les principes de la communication engageante (Kiesler, 1971)[3]. Son but est de faciliter le passage des idées aux actes et de susciter un changement non seulement d’opinons, mais aussi de comportement, en obtenant d’un participant un acte préparatoire avant de l’exposer à une argumentation persuasive (Joule et al., 2007).

 

On peut citer l’exemple de l’expérience de Lewin, menée pendant la Seconde Guerre Mondiale pour inciter les ménagères à cuisiner des abats. Si un exposé les informait simplement sur leurs vertus, elles ne changeaient pas leurs habitudes (3% seulement firent des abats la semaine suivante). En ajoutant un temps de discussion, les ménagères exprimèrent leurs réticences et un exposé conclusif leur proposa des solutions pratiques. 32% d’entre elles cuisinèrent des abats la semaine suivante[4]. Pour le moment, la théorie est appliquée aux problématiques comme celle de l’éco-mobilité. Dès lors, comment élargir le champ d’application aux produits de grande consommation ? Si la grande distribution parvenait à se saisir de cette théorie, ne serait-elle pas taxée à raison de manipuler la masse et d’être amorale ? Faudrait-il envisager des partenariats associations et entreprises responsables pour tenter d’appliquer la méthode de façon plus éthique ?

 

D’autres acteurs institutionnels préconisent d’utiliser une stratégie issue des sciences comportementales. Les nudges pour « coup de pouce Â» induisent des modifications des habitudes de consommation dans le sens de l’intérêt général, sans toutefois être culpabilisant, moralisateur voire prescripteur[5]. Ils jouent sur plusieurs leviers comportementaux comme le poids de la comparaison à autrui ou l’inertie au changement. Le psychologue Robert Cialdini s’est prêté à une étude dans les hôtels : on indiquait que 75% des personnes ayant occupés cette chambre avaient réutilisé leur serviette de bain (chiffres volontairement élevé). Alors 44% des clients conservaient effectivement leur serviette, contre 35% si la statistique n’était pas précisée. Expérimentés principalement dans les pays anglo-saxons à des fins environnementales (économies d’énergie, lutte contre la pollution), pourquoi ne pas appliquer des « nudges verts Â» à la consommation socialement responsable en France ?

 

 

 

[1] Ngobo Paul-Valentin. « La consommation socialement responsable Â». Cours Master 2 Développement Durable et Organisations, Université Paris-Dauphine, février 2015.

[2] Webster, « Determining the Characteristics of the Socially Conscious Consumer Â», Journal of Consumer Research, vol. 2, pp. 188-196. December 1975.

[3] Kiesler, C.A. « The psychology of commitment : experiments linking behaviorto belief Â». New York London: Academic Press. 1971

[4] Lewin Kurt : « Group decision and social change Â». In Readings in Social Psychology, T. Newcomb & E. Hartley (Eds.), 1947.

[5] Olivier Oullier et Sarah Sauneron, département Questions sociales, Centre d’analyse stratégique,"Nudges verts" : de nouvelles incitations pour des comportements écologiques, Colloque - Incitations comportementales et environnement, mars 2011.

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